• Part 2

    (Par texto)

    Moi: Papa, je peux dormir chez une amie ce soir?

    Lui: Non. Reviens pour minuit et demi devant la salle.

    Je ne répondis pas. Je déposai mon téléphone, et posa mon regard sur le petit homme qui somnolait déjà dans son lit.

    - Je m'en vais dans quatre heures. Tu comptes dormir où on passe du temps ensemble? demandai-je.

    Il ne répondit pas. Je soupirai. Je quittai ma chaise et allai m'asseoir à côté de lui.

    - Tu dors? insistai-je.

    - Non.

    Il sourit.

    - Tu te fous de ma gueule?

    - Oui.

    Il sourit à nouveau.

    - Pourquoi tu me réponds pas?

    Il ne répondit pas. Il attrapa mon bras et m'entraîna vers lui, contre son corps.

    - Lâche-moi! je protestai.

    - Pourquoi?

    Je me redressai et m'assis au bord du lit.

    - T'es trop imprévisible. Je sais pas, j'arrive pas à te comprendre, à te cerner, j'ai du mal.

    Je le fixai dans les yeux. Que j'aimais tant. Je n'avais jamais fait attention. Ses yeux semblaient me parler. Il s'amusait de cette situation. Ça se lisait dans ses yeux. Je l'amusais.

    - Je suis quoi pour toi? demandai-je.

    Je lus alors le trouble. L'embarras. Il ne savait pas.

    - Tu ressens quoi pour moi? insistai-je.

    Il sourit, voulut dire quelque chose mais il n'y arriva pas. Il était perdu. Il perdit son sourire. Il détourna le regard. Je portai ma main à son menton et tourna sa tête vers moi.

    - Regarde-moi.

    - Pourquoi?

    - Regarde-moi dans les yeux.

    - Tu me fais peur!

    Il ferma les yeux. Je le lâchai et me levai. Il entoura ma taille de ses bras, et me tira vers lui.

    - Reste...

    - Lâche-moi. Je m'en vais.

    - Je suis qu'un connard avec toi c'est vrai... Mais reste encore, ta présence me fait du bien.

    Je le fixai à nouveau pendant quelques secondes. C'était vrai. Alors il tourna la tête. Il m'avoua:

    - Tu me mets mal à l'aise.

    - Quand je te regarde dans les yeux?

    - Oui. Mon cerveau s'sent violé.

    Il sourit. Moi aussi:

    - C'est peut-être parce que c'est ce que je fais.

    Il prit ma tête dans ses mains et m'embrassa. Il m'attira à nouveau contre lui, dans le lit.

    - Je ne veux pas, dis-je.

    - Tu veux pas quoi?

    - ...

    - Désolé.

    Il me lâcha. Je me levai, ramassa ma veste, mon écharpe, puis je m'effondrai au sol, les larmes aux yeux. Il ne dit rien. Il se contenta de venir près de moi, et de me serrer dans ses bras. Il savait que je n'étais pas normale. Je pense qu'il était impossible qu'il soit amoureux de moi. Je pense que personne ne peut m'aimer avec cette folie que je trimbale. Il était juste là comme un grand frère, bon, peut-être un peu plus qu'un grand frère. Mais ça ne dépasserait jamais ça. Je me levai brusquement, le faisant reculer.

    - Eh?

    - Je veux plus te voir!

    Mes réactions abusives prirent le dessus. Je m'enfuis en courant, je sortis dehors. Il neigeait. Je courrais au milieu des flocons, sans rien voir, qu'est-ce que je foutais? Je pleurais, avec l'impression que mes larmes séchaient presque instantanément, qu'elles devenaient de la glace, comme mon sang, comme mon coeur. Je ne suis pas normale. Je suis un handicap, mon handicap au quotidien. Je n'avais pas besoin de lui. De toute cette souffrance supplémentaire. Je le vis à travers mes larmes émerger de la neige, courant vers moi. Je recommençai à courir. Je ne savais plus où j'allais. Je voulais plus retourner à la salle. Je voulais être seule, me laisser mourir de froid.
    C'est quoi, être normale? Je l'enviais, lui, d'être normal. J'étais jalouse, au fond.
    Je continuai à courir, puis j'arrivai à la route recouverte de neige. Approximativement au milieu, je m'effondrai. Je m'effondrai dans la neige. Je n'avais plus de force.
    Je veux être normale, je veux être normale.
    Je l'entendis hurler mon nom.
    Avant qu'une voiture ne me percute de plein fouet.


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